L’entreprise, fondée il y a 80 ans comme coopérative d’éleveurs laitiers des kibboutz, a pendant longtemps été perçue comme une icône israélienne.
Elle est actuellement détenue par le groupe agro-alimentaire chinois Bright, qui a acheté une part majoritaire en 2014 au prix de 8,6 milliards de shekels et le reste en 2017.
Les Israéliens inquiets du rachat du consortium laitier Tnuva par un groupe chinois
Entre appel au boycott, réactions des exploitants agricoles et commentaires politiques, l’opération de Bright food, sur l’israélien qui détient 70 % du marché des produits laitiers du pays, génère un certain malaise.
LE MONDE |
A en juger par l’intensité des réactions autour du rachat de Tnuva par le chinois Bright Food, le consortium laitier israélien occupe bel et bien dans son pays une place à part. Pour le meilleur et pour le pire. Le groupe, fondé en 1926, plus de vingt ans avant la création de l’État hébreu, épouse l’histoire économique et culturelle israélienne. Dans les années 1950, ses camions réfrigérés parcouraient le pays pour livrer chaque jour lait et oeufs aux villages même les plus reculés.
Établi par des moshavim (coopératives agricoles) et kibboutzim (fermes collectives), Tnuva a rapidement acquis une position quasi monopolistique dans le secteur agroalimentaire. Il détient aujourd’hui près de 70 % de part de marché dans les produits laitiers. Il est aussi, avec l’entreprise Dabach, l’un des deux acteurs dominants pour la production de viande. Tnuva est omniprésent dans les supermarchés locaux et ses produits figurent parmi les « basiques » du consommateur israélien. A commencer par le « cottage cheese », un genre de fromage blanc granuleux et légèrement salé, véritable fleuron de la marque.
HAUSSE DES PRIX
Mais c’est précisément ce produit phare qui a valu à la société un désamour fulgurant au sein du grand public. A l’été 2011, un internaute appelle au boycott du fromage blanc pour protester contre des augmentations de prix jugées indécentes : la hausse avait atteint pas moins de 40 % depuis 2006 ! Une valse des étiquettes accélérée après la prise de contrôle de Tnuva par le fonds d’investissement londonien Apax Partners, en 2008.
Le cri de colère de l’internaute est relayé massivement et constitue l’un des points de départ du plus vaste mouvement de protestation sociale qu’ait connu Israël. Dans le sillage des manifestations des « indignés » contre la vie chère, les ventes de Tnuva chutent d’un tiers.
Pour tenter de redresser la barre, le groupe se sépare de sa présidente, Zehavit Cohen, et baisse de 15 % le prix d’une cinquantaine d’articles.
TNUVA AVANT TNUVA APRES
Trois ans après, toutes les études montrent que le prix des produits laitiers en Israël reste sensiblement plus élevé que la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Une situation largement attribuée au manque de concurrence dans le secteur. Dans ce contexte, certains redoutent que la vente de Tnuva au chinois Bright Food ne fige pour longtemps le statut monopolistique du groupe laitier, empêchant le gouvernement de mener à bien ses plans de réforme.
L’intérêt de la Chine pour cette société emblématique suscite depuis des mois en Israël des commentaires inquiets, voire un rejet pur et simple. Les exploitants agricoles n’ont cessé de s’y opposer, s’alarmant de voir leur nouveau propriétaire négocier leurs contrats dans un sens moins favorable.
Même un ancien chef du Mossad, le service de renseignement extérieur, s’est inquiété tout haut de l’opération. « Le fait que le plus grand groupe agroalimentaire israélien soit possédé par le gouvernement chinois signifiera que la conduite de l’entreprise se fera au service des intérêts chinois », a mis en garde, mercredi 21 mai,
Ephraïm Halevy.